Comprendre le trauma, le traumatisme et leur impact sur le cerveau et le corps
- Mathilde de La Codre
- 29 sept.
- 5 min de lecture
Vous est-il déjà arrivé de réagir « trop fort » à une situation, ou au contraire de vous sentir coupé de vos émotions, sans vraiment comprendre pourquoi ? Ces réactions peuvent être le signe qu’un trauma a laissé une empreinte en vous.

Contrairement à ce que l’on pense souvent, un trauma n’est pas seulement lié à des événements spectaculaires comme un accident ou une agression. Il peut aussi résulter de petites expériences répétées, apparemment anodines, qui dépassent les capacités d’un enfant ou d’un adulte à y faire face.
Dans cet article, nous allons explorer ce qu’est un trauma, comment il se distingue du traumatisme, ses différentes formes, et surtout ses conséquences profondes sur le cerveau, le corps et le quotidien.
Qu’est-ce qu’un trauma ?
Un trauma est une expérience vécue comme extrêmement stressante ou menaçante, dépassant la capacité de la personne à y faire face. Cela pourra être qualifié de trauma, que l'on vive l'évènement soi-même, qu'on en ait été le témoin, ou qu'un proche ait été exposé à cet évènement.
Trauma vs traumatisme
Il est important de distinguer le trauma du traumatisme.
Le trauma est l’événement ou la situation ayant un potentiel traumatisant.
le traumatisme est la conséquence durable sur le cerveau, le corps et le psychisme, après que l’événement a été vécu. Ainsi, un traumatisme est la marque laissée par un ou plusieurs traumas, qui peut se manifester longtemps après l’événement initial.
Trauma de type 1 et type 2
Les traumas ont été catégorisés pour faciliter leur prise en charge.
Le trauma de type 1, simple ou aigu est un événement unique et extrêmement stressant (accident, agression, catastrophe naturelle).
Le trauma de type 2, complexe ou répétitif est une exposition prolongée à des situations traumatisantes, souvent dès l’enfance (maltraitance, négligence, critiques ou humiliations répétées). Les traumas complexes ont un impact plus profond sur le développement neurologique, émotionnel et relationnel, et sont souvent à l’origine de schémas durables dans la vie adulte, car la personne s'est souvent construite en vivant quotidiennement dans cet environnement.
Il est indispensable de comprendre que ce n’est pas tant l’événement en lui-même qui détermine un trauma, mais son impact sur la personne. Deux individus peuvent vivre le même événement de façon très différente : pour l’un, il peut passer presque inaperçu, tandis que pour l’autre, il peut déclencher un traumatisme durable.
Comme le souligne Bessel van der Kolk dans *The Body Keeps the Score* :
« Ce n’est pas l’événement qui compte, mais ce que l’événement fait à l’intérieur de nous ».
Souvent, les patients arrivent dans mon cabinet en disant : « Non, non, mais moi, mon enfance a été heureuse, je me sentais très bien. » Et lorsqu’on explore plus en profondeur, on découvre que certains événements répétitifs du quotidien pour un enfant — par exemple des critiques fréquentes, des violences verbales, de la négligence ou des situations stressantes, un parent qui pleure beaucoup, qui crie — ont pu générer un réel traumatisme.
Ces expériences ont façonné le cerveau de l’enfant, et encore aujourd’hui, l’adulte en subit les conséquences : un corps en alerte, une hypervigilance, des difficultés à réguler ses émotions, etc.
Quel est l'impact d'un trauma sur la personne ?
Les manifestations dans le corps, dans le cerveau et dans le quotidien sont nombreuses.
Une personne peut développer un syndrome de stress post traumatique ou d'autres troubles psychiques plus ou moins invalidants. Globalement les impacts sont nombreux et variés.
La structure du cerveau est modifiée
Les structures cérébrales clés sont affectées, et plus particulièrement certaines zones du cerveau :
L’amygdale qui est le centre de la peur et de la réaction de stress. Elle devient hyperactive, entraînant des réactions de peur disproportionnées ou des états d’alerte constants.
L’hippocampe qui est impliqué dans la mémorisation et le traitement du temps. Le traumatisme peut réduire son volume et sa fonctionnalité, rendant difficile la distinction entre passé et présent ou la mise en perspective des souvenirs traumatiques. (Bremner et al.,1995, PNAS : réduction du volume de l'hippocampe chez des vétérans souffrant de PTSD)/ Même constat chez les survivants d'abus infantiles (Stein et al., 1997, Am J Psychiatry)
Le cortex préfrontal qui est le siège de la régulation émotionnelle et de la prise de décision. Son fonctionnement peut être altéré, expliquant les réactions impulsives ou la difficulté à évaluer correctement un danger.
Ces modifications expliquent pourquoi une personne traumatisée peut être constamment sur le qui-vive ou revivre intensément ses souvenirs traumatiques. Son système nerveux est impacté également
Le trauma a également un impact sur la neuroplasticité du cerveau. La neuroplasticité est la capacité du cerveau à créer de nouvelles connexions et à se remodeler. Le trauma et le stress peuvent justement altérer cette plasticité.
L'excés de cortisol (l'hormone du stress) réduit la création de nouveaux neurones, surtout dans l'hippocampe (McEwen, 2007) et le trauma altère la capacité des synapses à se renforcer ou s'affaiblir, expliquant la persistance des réactions automatiques et des souvenirs intrusifs (Vythilingam et al., 2002).
2. Un corps en alerte permanente
Le trauma perturbe le système nerveux autonome, responsable de la réaction au stress. Deux états principaux apparaissent :
Hyperactivation via la branche sympathique : le corps est constamment en alerte, prêt à fuir ou à se battre.
Hypoactivation via la branche parasympathique (dorsal) : certaines personnes se figent ou se dissocient face au danger, incapables de réagir.
Ces réponses automatiques, héritées de l’évolution, sont utiles en situation réelle de danger mais deviennent dysfonctionnelles lorsque le stress est constant ou réactivé par des souvenirs traumatiques. Souvent, l'enfant qui l'aura vécu va grandir avec un système nerveux constamment en alerte.
Conséquences : palpitations, tensions musculaires, maux de ventre, migraines, sueurs, troubles du sommeil. Beaucoup de patients disent avoir « toujours l’impression d’être en danger », même quand tout va bien.
3. Mémoire traumatique et réactivations
Le trauma laisse une empreinte corporelle et sensorielle (mémoire implicite). Le trauma est souvent stocké dans la mémoire implicite, c'est à dire les images, les sensations corporelles ou encore les émotions. Même si la personne n’a pas un souvenir clair ou verbal du traumatisme, le corps réagit comme si le danger était présent.
Conséquences : flashbacks, cauchemars, sursauts exagérés, angoisse déclenchée par une odeur, un son, une phrase qui rappelle l’événement.
4. Émotions envahissantes ou anesthésiées
Certaines personnes vivent une hyperréactivité émotionnelle (colère, peur, tristesse intenses et soudaines). D’autres au contraire se coupent de leurs émotions (dissociation, impression de vide, perte de plaisir).
5. Impact cognitif
Difficultés de concentration, trous de mémoire, sensation de brouillard mental.
Impression de « ne pas être présent » ou d’être détaché de la réalité.
6. Conséquences dans le quotidien
Les conséquences dans le quotidien peuvent être de tout ordre :
Des difficultés relationnelles (méfiance, peur de l’abandon, repli sur soi).
Une fatigue chronique, baisse d’énergie, sentiment de ne pas avancer, des émotions intenses
Des comportements d’évitement (ne plus sortir, ne pas conduire, éviter certains lieux ou situations), l'apparition de phobies.
Parfois recours à des addictions (alcool, tabac, nourriture, écrans) pour calmer l’anxiété.
7. Somatisation
Le trauma peut aussi s’exprimer par des symptômes physiques persistants sans cause médicale claire : douleurs chroniques, troubles digestifs, problèmes cutanés, etc. D’où l’expression de Bessel van der Kolk : « Le corps n’oublie rien ».
Nous verrons dans un prochain article, les solutions thérapeutique pour se débarrasser du traumatisme. L’EMDR en est une très efficace. Vous pouvez déjà vous informer via cet article.
Le trauma ne se limite pas à un simple souvenir douloureux : il modifie profondément le cerveau, le corps et le quotidien, entraînant des réactions disproportionnées face au danger et une difficulté à réguler les émotions. Même les événements apparemment mineurs ou répétés peuvent être traumatisants, et leurs conséquences peuvent se manifester longtemps après l’événement. Comprendre l’impact du trauma et du traumatisme est essentiel pour choisir une approche thérapeutique adaptée.
