Comment sont créés nos schémas répétitifs ?
- Mathilde de La Codre
- 22 déc. 2022
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 11 mai
Avez-vous déjà remarqué que vous répétiez certaines erreurs ? Depuis…vous ne savez même plus depuis combien de temps d’ailleurs. Par exemple, vous ne vivez que des relations qui se terminent rapidement et souvent de la même manière, ou votre employeur rompt systématiquement votre nouveau contrat avant la fin de la période d’essai ou encore vous avez une ou plusieurs addictions. Cela ressemble grandement à un schéma répétitif !

Ces schémas peuvent toucher tous les domaines de vie. Vous êtes pris dans un cercle souvent vicieux sans comprendre réellement pourquoi. Vous avez cette impression que vous ne pourrez pas vous en sortir, sans arriver à changer votre comportement malgré toute votre bonne volonté.
Mais comment cela se fait-il ? Sommes-nous responsables de ces schémas ? Pourtant, quel intérêt aurions-nous à répéter un schéma si celui-ci est néfaste pour nous ?
La Psychanalyse a mis en exergue ces schémas répétitifs
"Souvent, ces répétitions sont inconscientes, on ne se rend pas compte que notre attitude crée ces répétitions."
En Psychanalyse, Freud parle de la compulsion de répétition liée à la pulsion de mort notamment abordée dans son ouvrage Au-delà du principe de plaisir en 1920[1]. Le sujet répète inconsciemment une action sans en connaître consciemment l’origine. Ce facteur compulsionnel tendrait à répéter un conflit remontant à l’enfance. Nasio, psychiatre et psychanalyste de notre ère, explique que « l’inconscient, c’est la répétition » dans son ouvrage du même nom. Pour lui, nous répétons donc nous sommes.
« Notre vie bat au rythme de la répétition que notre inconscient nous impose »[2].
Cette répétition est le résultat d’une histoire qui débute déjà dans le ventre de la mère, explique-t-il à Anne Ghesquière dans le Podcast Métamorphoses. Il est vrai que la répétition peut être positive, notamment lorsqu’elle nous permet d’apprendre, de créer. Mais ici, nous parlerons de cette réitération négative pour nous-même dont on a tant de mal à nous extraire.
Les neurosciences
Jean Cottraud, psychiatre en Thérapie cognitivo-comportementale et auteur, explique à la journaliste Jeanne-Marie Desnos dans le Podcast Émotions que la répétition d’un comportement négatif, aussi absurde soit-il pour l’entourage et pour le sujet lui-même, se produit tant qu’un besoin est inassouvi. Ce besoin va dépendre de la personne : certains ont un besoin d’assurance, d’autres de confiance, de sécurité, de valorisation ou encore d’autonomie, etc.
Samah Karaki, docteure en Neurosciences explique que l’on est très dépendant à la naissance. On va alors s’adapter à l’environnement, reproduire des attitudes qui sont socialement nécessaires pour notre survie même si cela va à l’encontre de nos propres besoins. Sans être déterministe, cela peut prédire certains comportements à l’âge adulte. Pour essayer de comprendre d’où vient ce besoin non comblé et pourquoi un tel comportement négatif se répète inlassablement, on va chercher dans l’enfance ce qui s’est joué. En étudiant les relations de nos parents, de nos grands-parents, l’éducation que l’on a reçue, notre environnement social, des évènements marquants pour nous, on peut mettre le doigt sur des pistes intéressantes. (On aborde ici le sujet du transgénérationnel qui nécessite un article spécifique). Le sujet se rend compte qu’il peut tirer un bénéfice intéressant du comportement mis en place pour combler le besoin inassouvi. À force de répétition de ce comportement, notre cerveau crée un automatisme, une routine qui va entraîner un nouveau chemin neuronal. Emprunter ce chemin devient de plus en plus rapide et efficace grâce à la plasticité du cerveau. Prendre cette direction va permettre au cerveau d’alléger l’énergie psychique utilisée.
Il est important de noter que tous les schémas ne sont pas forcément issus de l’enfance : certains peuvent se mettre en place bien plus tard, dans la vie d’adulte et qu'ils peuvent aussi apparaitre à la suite d’un traumatisme et non plus par la répétition d’un comportement: l’intensité des émotions va créer une trace mnésique entraînant automatiquement un comportement de protection, de régulation selon Samah Karaki. Pour Freud, l’automatisme de répétition peut avoir deux fonctions dans le cas d’un traumatisme : c’est une défense du moi débordé qui se met en place face à cette situation traumatique : « ce qui est incompris fait retour, telle une âme en peine, il n’a de repos jusqu’à ce que soit trouvées résolution et délivrance »[3]. Et paradoxalement, la répétition est aussi une résistance à la remémoration de la scène traumatique ou du conflit qui a produit le passage dans l’inconscient.
Mais pourquoi restons-nous dans ces schémas répétitifs alors qu'ils sont néfastes pour nous ? Venez lire le prochain article pour le savoir.
[1] Au-delà du Principe de Plaisir - Sigmund Freud – 1920 [2] L’inconscient, c’est la répétition - Dr Juan David Nasio Pourquoi répétons-nous toujours les mêmes erreurs ? Dr Juan David Nasio [3] Cinq Psychanalyses – Sigmund Freud
Podcast Métamorphoses de Anne Ghesquières – Pourquoi répétons-nous toujours les mêmes erreurs – Dr Juan David Nasio
Podcast Émotions de Louis Media - pourquoi reproduisons-nous toujours les mêmes erreurs ? – Journaliste Jeanne-Marie Desnos qui donne la parole à la Docteure en neuroscience Samah Karaki et au Psychiatre Jean Cottraud.
Comentarios